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27 février 2025Les plantes médicinales dépuratives, les connaître pour bien les utiliser
Les plantes médicinales dépuratives, les connaître pour bien les utiliser
Les cures dépuratives étaient grandement pratiquées par les anciens dans les campagnes qui vivaient au rythme de la terre et des saisons, comme en témoignent les livres d’ethnobotanique. Ces cures revenant à la mode et étant parfois pratiquées avec excès, démêlons ensemble quelques éléments des plantes dites dépuratives.
Les traditions dans les campagnes
Dans les traditions populaires, l’idée d’une dépuration à base de plantes est souvent évoquée. Cette notion s’ancre dans une conception ancienne de l’Antiquité avec la médecine grecque hippocratique. A l’époque, la bonne santé dépendait de la qualité des « humeurs » (sang et bile notamment). Cela était intimement lié au changement de saisons.
Cet héritage a largement marqué les savoirs populaires. Les longs mois d’hiver dans les montagnes étaient l’occasion d’une alimentation riche en lipides pour résister au froid. On vivait principalement à l’intérieur et le corps, notamment le sang, accumulait des toxines. À l’arrivée du printemps, et pour préparer la lourde activité de l’été, il fallait éliminer. C’était le grand nettoyage du corps pour prévenir les désordres intestinaux, les sensations de fatigue et de lourdeur. D’autres cures se pratiquaient à l’automne pour préparer l’organisme à l’hiver.
* NB : L’utilisation des plantes n’est jamais anodine. Les plantes présentées ici ne sont que quelques exemples. Certaines pourraient ne pas vous convenir ou d’autres pourraient aussi être plus adaptées selon vos problématiques de santé. Nous abordons les plantes et leurs utilisations comme étant des soutiens pour améliorer notre santé et notre bien-être. Nous ne sommes pas des professionnels de la santé et les informations fournies ne remplacent en aucun cas un diagnostic, un traitement médical et/ou la consultation d’un médecin.
En même temps que le réveil des plantes dans la nature, des plantes amères étaient introduites dans l’alimentation et en tisane pour « purger le sang et dégager le ventre ». Une cure pouvait durer deux jours, une semaine voire un mois. Les plantes étaient cueillies l’été passé en vue de la cure : racines de gentiane jaune, de bardane, feuilles de germandrée petit chêne, de petite centaurée, de marrube blanc, de noyer, écorce ou feuilles de frêne sont souvent citées.
Une cure dépurative, quand et pourquoi ?
Agir sur les émonctoires :
Le terme dépuratif, en phytothérapie, concerne tout produit purifiant le sang et débarrassant l’organisme des toxines nuisibles. Le processus se fait grâce aux 5 émonctoires : foie, reins, poumons, intestin et peau. Dans son fonctionnement normal, l’organisme génère de lui même des produits de dégradation liés aux métabolismes et à l’usure des tissus. Il sait en principe parfaitement les éliminer pour maintenir l’équilibre intérieur. Les organes filtrent le sang et en extraient les toxines pour les rejeter à l’extérieur. Parmi eux, le foie occupe une place centrale grâce à ses capacités enzymatiques de détoxication. La cure dépurative peut aider à décongestionner les 5 émonctoires, pour stimuler les fonctions d’élimination des déchets.
La cure de printemps – le foie :
En médecine traditionnelle chinoise (MTC), chaque saison est notamment associée à un organe, une émotion et une saveur. Dans le calendrier chinois, le printemps débute le 4 février et est associé à l’élément bois, à la sève qui remonte après l’hiver, ainsi qu’au foie et à la vésicule biliaire.
Le foie joue un rôle majeur dans le corps en sécrétant la bile, stockant le sucre sous forme de glycogène et régulant le taux de sucre dans le sang. Mais il a aussi un rôle actif dans la formation de l’urée et de l’acide urique. Il gère tous les toxiques que le corps reçoit. Des plantes peuvent ainsi activer la sécrétion biliaire : plantes cholérétiques, ou évacuer la bile et les toxines : fonction cholagogue.
Les reins quant à eux, reliés à l’hiver en MTC, diluent et éliminent dans l’urine les substances filtrées du sang.
La saveur associée au printemps est la saveur acide. En MTC, le foie est soigné par la saveur du printemps actuel (acide), tonifié par la saveur de l’hiver précédent (salé) et libéré par la saveur de l’été suivant (amère).
Souvent, au printemps, notre corps est en excès d’énergie, lié à l’alimentation trop riche de l’hiver : il est saturé et les toxines peuvent envahir le corps. Il est ainsi préconisé de ne pas le tonifier (éviter la saveur salé) mais de libérer l’énergie stocké en utilisant la saveur amère. Ainsi, les plantes de l’été, très amères, agissent pour tonifier le foie, sont laxatives et circulatoires. On retrouve ainsi les plantes des campagnes cité précédemment.
Trouver le bon équilibre :
En MTC, l’énergie de colère est associée au foie. Si cette énergie est en excès, elle pourra générer de l’impatience, de l’agressivité et de l’irritabilité. À l’inverse, si cette énergie est faible, on pourra ressentir de l’anxiété, de la fatigue ou une mauvaise digestion. Le printemps amène ainsi à trouver le bon équilibre avec la vie qui revient et le réveil du corps.
Indications d’une cure dépurative :
La cure dépurative sera indiquée si l’alimentation de l’hiver a été riche et si le corps se sent en surplus, avec beaucoup d’énergie et potentiellement de l’irritabilité. Il sera bénéfique de libérer cette énergie retenue avec des plantes amères. Les allergies saisonnières peuvent également être un signal que le corps, notamment le foie, est encombré.
À l’inverse, si le corps manque d’énergie, qu’il est fatigué après l’hiver et qu’une mauvaise digestion ou que de l’anxiété sont là, la cure dépurative ne sera pas indiquée car elle épuisera davantage le corps. Il faudra y aller en douceur avec quelques plantes soutenant la digestion, le système nerveux et la reminéralisation de l’organisme.
Contre-indications : les plantes cholérétiques et cholagogues sont contre-indiquée en cas de calculs biliaires, d’atteintes du foie ou des reins.
Précautions :
- Ne pas dépasser 21 jours
- Laisser le corps se reposer
- Boire 2 lires d’eau par jour pour bien hydrater (les tisanes éliminent mais n’hydratent pas en profondeur).
- Les plantes dépuratives sont plus diurétiques que les autres. Le respect des dosages est important pour éviter des maux de tête, des nausées, de la fatigue et des troubles digestifs.
- Une grande précaution doit être apportée à tous les produits « minceur » qui sont en fait constitués de plantes dépuratives. Le respect des dosages est primordial pour éviter toute atteinte hépatique ou épuisement du corps.
Manger des plantes sauvages
La saveur amère des plantes est l’élément clé dans la dépuration pour agir sur le foie et le système digestif. Elles stimulent l’appétit et activent les enzymes nécessaires à la bonne digestion. Au printemps, de nombreuses plantes sauvages comestibles poussent et peuvent être intégrées dans notre alimentation.
Notre organisme étant peu habitué à manger sauvage, il faudra consommer de petites doses et sur quelques semaines seulement pour éviter tout problème digestif (irritations, troubles du transit).
- Des jeunes pousses comestibles : jeunes feuilles de pissenlit, de pâquerette, de laiteron maraîcher, de plantain, de pariétaire, ou de mauve et trèfle blanc (également les fleurs) peuvent agrémenter votre cuisine en salades ou ciselées crues dans des plats.
- Des plantes reminéralisantes : la grande ortie est très riche en minéraux, notamment en silicium, pour reminéraliser l’organisme. On utilise les jeunes têtes ou feuilles crues (salade, jus) ou cuites 10mn (soupes…).
- Des plantes aux composés soufrés : la famille botanique des brassicacées contient des hétérosides soufrés aux propriétés dépuratives. En sauvage, on retrouve les feuilles et fleurs d’alliaire, de capselle bourse-à-pasteur, de moutarde sauvage (Sinapsis arvensis) ou de Diplotaxis, fausse roquette. En cultivé, on peut manger le radis noir, le raifort, les navets, les choux, la roquette et l’ail.






En phytothérapie, comment aider l’organisme ?
Lorsque les émonctoires ne fonctionnent pas assez pour éliminer, le terrain se déséquilibre et on retrouve des problématiques chroniques (infections OLR et bronchites chroniques, allergies, cystites récidivantes, constipation, eczéma, etc.). Certaines plantes dites dépuratives ou drainantes contiennent des substances détoxifiantes et favorisent les voies d’élimination.
Soutenir l’élimination des substances du sang dans les urines
Des plantes peuvent aider à éliminer les substances filtrés du sang dans les urines (urée, acide urique,…). On les utilise en infusion ou en alcoolature. En synergie, ces plantes agissent comme anti-inflammatoires dans les douleurs rhumatismales, les surcharges métaboliques type crise de goutte.
Contre-indications : atteinte rénale, néphrite chronique.
- Les fleurs de solidage (solidago virgaurea) fortifient le système rénal et facilitent les fonctions d’élimination urinaire. Plante diurétique et antiseptique urinaire, elle agit sur la rétention d’eau et l’excès d’acide urique, d’urée ou de créatinine.
- Les feuilles de frêne élevé (fraxinus excelsior) peuvent également être utilisées pour leurs vertus diurétiques favorisant l’élimination rénale et intestinale des surcharges métaboliques.
Reminéraliser l’organisme
- Les feuilles d’ortie (urtica dioica) possèdent de nombreux minéraux : calcium, potassium, silicium, cuivre, zinc, manganèse, soufre. On les utilisent pour revitaliser et reminéraliser l’organisme. Elles agissent sur les pathologies rhumatismales et d’atteinte osseuse. Elles tonifient le sang et sont dépuratives de part leur action diurétique. Utiliser 10 g/l en infusion durant 15 minutes ou en alcoolature.
Accompagner et protéger le foie
Les plantes amères cholérétiques et cholagogue libèrent l’énergie stockée, améliorent la protection du foie vis-à-vis des toxiques et soutiennent la sécrétion et l’évacuation biliaire.
Contre-indications : maladies cardiaques et rénales (risque de fuite de potassium au long cours), obstruction des voies biliaires, colique néphrétique, femmes enceintes et allaitantes.
- Les racines de pissenlit (taraxacum officinal) ou de chicorée (cichorium intybus) sont de bonnes alternatives à la Gentiane jaune dont la ressource est menacée. Plantes du foie, elle sont diurétiques et toniques amères. Elles stimulent la digestion et la production de bile (ainsi que son évacuation). Ce sont des dépuratives hépatorénal qui purifient le sang et éliminent les surcharges de toxines.
- L’aunée (inula helenium) a également cette fonction et agit comme expectorante et adoucissante des voies respiratoires de part ses mucilages.
- Consommer 15g/l de ces plantes en décoction (mettre la racine dans l’eau froide, monter à ébullition pendant 5mn et infuser 15mn).
- Les graines de chardon-marie (silybum marianum) agissent sur la sphère hépatorénale (cholérétique, cholagogue). Protectrices et régénérantes des cellules du foie, elles décongestionnent le foie de ses toxines. Elles agissent aussi sur la sphère métabolique (diabète de type II, surcharge pondérale…). On utilise 6 g/l en décoction de 3 minutes puis infusion de 20minutes.
- Les feuilles d’artichaut (cynara scolymus) très amères sont également utilisées pour décongestionner le foie mais seront plus fortes pour l’organisme (pouvant le fatiguer s’il est déjà affaibli). Elles s’utilisent en infusion (10 g/L), en alcoolature ou en jus (ampoules).
- Les feuilles et fleurs de romarin (rosmarinus officinalis) sont très toniques et réchauffantes. Elles s’emploient pour stimuler la digestion, décongestionner et protéger le foie. Le romarin est aussi un tonique psychique qui stimule la mémoire et la concentration. En infusion (8 g/l) ou alcoolature.
Faciliter la digestion
- Pour soutenir l’élimination, il est possible d’ajouter des plantes carminatives comme les graines d’anis vert (pimpinella anisum) qui facilitent l’évacuation des gaz et calment les spasmes.
- Les feuilles de basilic (ocimum basilicum) ou de mélisse (melissa officinalis) tonifient la digestion, luttent contre les ballonnements et agissent sur la sphère nerveuse dans les états de stress et d’anxiété.
- Ajouter 1 cuillère à café de ces plantes par tasse d’infusion.
Contre-indications : la mélisse interfère avec la thyrotropine, stimulant hormonal de la thyroïde. L’apport de basilic est à limiter avec les anticoagulants (riche en vitamine K).
Appareil respiratoire, prévenir les allergies
Pour faciliter l’évacuation des mucosités et fluidifier les voies respiratoires encombrées, les plantes à mucilages pourront être d’un bon soutien. Anti-inflammatoire, elles agissent sur les inflammations ORL mais aussi sur les états allergiques de type rhinite ou asthme. On retrouve :
- Les feuilles de plantain (plantago lanceolata ou major) : 1 cuillère à café par tasse, infusion 10 minutes.
- Les fleurs de bouillon blanc (verbascum thapsus) : 10 g/l, infusion 10 minutes.
⇒ Bien filtrer à l’aide d’un filtre à café car les poils très fins sont irritants pour les muqueuses. - Les fleurs de sureau noir (sambucus nigra) : 1 cuillère à café par tasse, infusion 10 minutes.
Notre tisane du printemps
- Ortie (feuilles)
- Chardon-marie (semences)
- Romarin (feuilles)
- Plantain (feuille)
- Sureau (fleurs)
- Mélisse (feuille)
- Anis vert (semences)
Infuser 15 minutes et ajouter 15 gouttes de teinture mère de pissenlit. Boire 1 tasse le matin et 1 avant le repas du midi. Cette infusion accompagnera en douceur le corps en lui permettant une reminéralisation après l’hiver, un soutien aux fonctions d’élimination du foie et une prévention des allergies saisonnières.
Sources
- 300 plantes médicinales de France et d’ailleurs, Claudine Luu et Annie Fournier, ed. Terre vivante
- Le savoir en herbe, Alain Renaux, Nouvelles Presses du Languedoc
- Des plantes et des hommes dans le Mercantour, Elise Bain et Philippe Thomassin, Roudoule
- Manger ses mauvaises herbes, Susanne Hansch & Elke Schwarzer, Ulmer éditions
- Grand Manuel de phytothérapie, Dr Eric Lorrain, ed. Dunod